C'est quoi notre couverture ? | Jandrew

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

L’arrivée en Angleterre avait été assez compliqué. Compliqué dans le sens où Andrew se comportait plus comme un gamin allant en vacances qu’à un homme sous la protection du gouvernement américain. Le brun n’était jamais dans les bonnes grâces des personnes qu’il rencontrait à cause de ça. Toujours à dédramatiser, à faire la vanne de trop, à rire quand il ne le fallait pas. Mais il était comme ça. C’était sa façon à lui de montrer qu’il était loin de tout. Une protection qu’il s’était imposé pour ne plus se sentir perdu quand il perdait un être cher comme son père ou son frère. Quitter sa famille fut compliqué à accepter, mais il n’avait pas le choix. Au moins, sa mère et ses frères et sœurs étaient à l’abri à présent et c’était la seule qui comptait à ses yeux. Un soupir quitta ses lèvres alors qu’il sortait de sa douche. Depuis son arrivée ici, la seule chose qui l’intéressait c’était de faire tourner en bourrique les différents agents qui devaient le protéger.

Autant dire qu’il ne se gênait pas pour faire comme chez lui-même si une femme était là pour sa sécurité. Andy avait parfois l’impression de vivre dans une espèce de forteresse avec une salle où se trouvait le nécessaire pour répondre aux besoin du gouvernement. Il n’était pas incompétent, loin de là, mais il était clair que son comportement était loin d’être celui que devait avoir un homme avec ses capacités. Le problème principal état sûrement qu’il se trouvait dans le corps d’un adulte mais avec le comportement d’un adolescent. D’ailleurs, il s’était donné pour mission de faire un peu tourner en bourrique la brune qui devait le protéger.

Une fois habillé, il alla dans le salon avec son ordinateur, vérifier ce qu’il devait vérifier chaque matin puis passer un peu de temps sur le Dark Web afin de regarder si certaines informations sensibles n’étaient pas sortis dans la nuit. En soit, il appréciait ce qu’il faisait mais il avait une capacité impressionnante à trop dédramatiser.

- « Bonjour Agent Turner. » lâcha-t-il simplement alors qu’elle passait la porte. « Il y a du café dans la cafetière si vous le souhaitez. » souffla-t-il avec un sourire enjôleur avant que ses yeux ne se reposent sur l’écran d’ordinateur. « Dites-moi. Comme on est sous couverture, c’est quoi la nôtre ? On joue comme dans les films, un jeune couple qui vient déménager dans une nouvelle ville pour s’épanouir ou on reste cloîtrer là coûte que coûte ? » demanda-t-il en penchant la tête sur le côté.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

La brune courait à un bon rythme, sa poitrine se soulevant avec régularité. Elle tenait à son jogging matinal. C’était une étape indispensable à la préservation de son équilibre émotionnel. Jane en profitait pour laisser son corps agir de manière automatique et son esprit se déconnecter. Cela faisait partie des plaisirs qu’elle allait devoir abandonner durant les prochains mois. Pour l’instant, une équipe du FBI surveillait encore la maison, déguisée en personnel d’entretien ou en entreprise de déménagement amenant de nouveaux cartons. L’agente pouvait donc quitter le logement quand elle le voulait. En revanche, dans quelques jours, elle serait laissée seule avec l’homme qu’elle devait protéger. Enfin, protéger était un bien grand mot. Baby-sitter serait plus juste. L’américaine ne côtoyait Andrew que depuis quelques jours, mais elle avait déjà compris qu’il était un grand enfant. Cela avait le don d’exaspérer la femme et elle avait du mal à croire qu’un tel individu ait été mis en charge d’une partie de la sécurité nationale. Enfin, ce serait au gouvernement d’assumer cette décision, pas à elle. L’employée du FBI arriva finalement devant le charmant pavillon de banlieue qu’on lui avait attribué. Elle glissa un regard entendu à l’un de ses collègues qui prétendait tailler avec une grande concentration la haie de la maison.

Jane poussa la porte du bâtiment. Elle se rendit dans le salon où elle jeta nonchalamment la casquette qui paraît son crâne sur un meuble. La brune salua rapidement son envahissant colocataire. « Bonjour. » Suivant les indications du hacker, elle s’avança vers l’appareil et tira le réceptacle contenant le liquide noir vers elle. La femme renifla le soi-disant café avant de grimacer. Il n’était pas assez fort pour elle. Elle reposa la cafetière à son emplacement initial. Pour compenser sa déception, l’agente du FBI se dirigea vers le réfrigérateur duquel elle tira une gourde en plastique. Elle but de grandes gorgées d’eau fraîche tout en étirant le muscle de sa cuisse en maintenant son talon contre son postérieur. L’ancien criminel l’interrogea et l’employée fédérale retint difficilement un haussement de sourcil arrogant. L’américain avait visiblement regardé beaucoup trop de films d’espionnage. Rapidement, elle décrocha la gourde de ses lèvres afin d’assouvir, plutôt sèchement, la curiosité d’Andrew. « On reste cloîtrer ici et vous faites votre job. Si et seulement si, on se retrouve dans une situation où la question se pose, nous sommes des colocataires. Nous avons décidé de nous installer ensemble pour nous rappeler les Etats-Unis et éviter le mal du pays. » Jane conclut ses explications par un faux sourire. Elle n’avait pas vraiment de temps à perdre en enfantillages et jeux de rôle. La protection nécessitait une attention et une concentration permanente. Elle n’avait pas le luxe de se disperser.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

C’était différent. Vivre à Londres n’était pas ce à quoi il s’attendait. L’américain pensait que la situation serait plus amusante. Mais rien de tout ça. Peut-être aurait-il dut refuser les propositions du gouvernement. Vivre enfermer dans une maison en attendant les ordres et regarder un écran toute la journée risquait de vite l’agacer. Autant dire que n’importe qui plaindrait la brune de devoir s’occuper de lui. Andy avait envie de découvrir un peu la ville. Il n’avait connu que les quartiers peu sécurisés de Chicago alors avoir la capitale britannique derrière sa porte lui donnait des idées. Des idées qui ne plairaient sûrement pas à Jane mais le jeune homme avait bien envie de tester les limites. Un véritable gamin.

Bien que sa tête était tournée vers son écran, le regard d’Andrew observait la brune par-dessus son ordinateur. La curiosité du brun était à son comble. Il était la caricature même de celui qui avait vus trop de films et qui voulaient vérifier si tout se passait de la même manière. Il était un peu déçu pour le moment et il espérait que cela allait s’améliorer un peu.

- « Ok. » lâcha-t-il simplement avant de laisser un sourire aussi faux que le sien sur ses lèvres. « Du coup on risque de s’ennuyer à force en restant cloitré ici. » souffla-t-il avant de regarder à nouveau son écran.

Andy avait quelques réseaux à vérifier encore avant de pouvoir rien faire. Il serait bien aller voir l’horloge la plus célèbre du monde mais il doutait fort que l’agent Turner accepterait quoi que ce soit s’il se lançait dans des négociations. S’il était doué en piratage, il était nul en négociation ou manipulation. C’était bien pour ça que son frère s’occupait de gérer les affaires, Andrew se faisait bien trop souvent avoir.

- « Vous voulez que je vous trouve un film ? » demanda-t-il finalement. « Un truc feel good plutôt, on va éviter esprit criminels ou ce genre de truc quand même. » ajouta-t-il avant de lever les yeux vers l’agent du FBI qui devait bouillonner sur place. « Sinon c’est quoi la journée d’un agent dans ce genre de situation ? Vous allez regarder par les fenêtres toute la journée et rester à côté de moi ? » demanda-t-il face au silence de l’américaine.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

La brune se remit à boire au goulot du réceptacle en plastique, Andrew l’ayant interrompue avant qu’elle ne puisse réellement étancher sa soif. En entendant la remarque du brun, l’américaine décrocha de nouveau ses lèvres de la gourde. « Mieux vaut s’ennuyer qu’être l’homme qui a compromis la sécurité nationale. Ou pire, être mort. » Il n’y avait pas une once d’humour ou de taquinerie dans la voix de l’agente du FBI. Elle était extrêmement sérieuse. Tout le contraire de son interlocuteur. Jane finit de s’hydrater avant de remplir la gourde et de la remettre au réfrigérateur. Elle termina ses étirements, les élucubrations du hacker parvenant jusqu’à ses oreilles malgré ses efforts pour ignorer le son de sa voix. Après un long soupir et un roulement plus qu’ostensible des yeux, la femme s’avança vers l’ancien criminel. Ses mains vinrent naturellement se positionner sur ses hanches, dans une position nettement autoritaire. Si elle devait lui faire la leçon, très bien, elle le ferait. Mais il était hors de question qu’Andrew fasse échouer la mission. Elle ne le permettrait pas.

Sa voix se durcit d’une manière perceptible, son ton se faisant encore plus sec et froid qu’à l’accoutumée. « Je vais m’assurer que vous faites ce que vous avez à faire, entretenir ma forme physique pour être capable de vous protéger si un danger se présente et gérer la sécurité de cette maison. » La brune accompagna ses propos d’un geste de la main désignant l’ensemble de l’espace autour d’eux. La moindre ouverture sur l’extérieur était un point sensible auquel elle devait prêter une attention particulière. Jane poursuivit rapidement, toujours aussi fermée. « C’est un travail à plein temps, je ne risque pas de m’ennuyer. » La membre des forces de l’ordre sembla se détendre légèrement, un sourire apparaissant sur ses lèvres. Bien qu’elle ne soit pas aussi fausse que la précédente, cette expression n’avait rien d’affectueuse ou douce. Elle était plutôt moqueuse. « Et si par miracle je voulais regarder un film, je serais capable d’en trouver un toute seule, merci. Je suis plus du genre film d’horreurs et thrillers, de toute façon. » L’américaine était implacable et ne laissait aucune ouverture à Andrew. Elle n’avait aucune intention de devenir son amie ou même une connaissance pour lui. La quadragénaire avait trop perdu pour se laisser approcher et faire l'erreur de se lier à une nouvelle personne.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

Andrew avait clairement l’impression qu’on lui avait attribuer la seule personne du FBI qui n’avait pas d’humour. Enfin, il comprenait un peu qu’ils devaient faire attention, mais à ce point-là c’était clairement à des années-lumière de ce à quoi il s’attendait pour le coup. Alors le brun essayait tant bien que mal de lui arracher un sourire mais la seule chose qu’il réussit à avoir c’est un mur qui lui rappelait clairement qu’il allait finir dans un corbillard. Au moins la brune était claire avec lui, même si un petit sourire n’aurait pas été de refus dans cette situation. Le hacker était clairement à des années lumières de la réalité et ne se rendait pas compte de toutes les menaces qui pouvaient planer au-dessus de sa tête.

- « Donc, je vais m’ennuyer mais pas vous ? » lâcha-t-il en croisant les bras. « Super. J’adore. Moi qui pensait pouvoir aller voir Big Ben je vais rester enfermer dans cette maison. » lâcha-t-il simplement.

Pourtant le brun ne comptait pas s’arrêter à ça. Il n’était pas le genre de personne que l’on pouvait contenir. Toujours la connerie facile et un trait d’humour, Andy se donna presque pour mission de faire rire son agent de protection, ce qui était clairement pas une mince affaire mais cela aurait le don de l’occuper.

- « Vous savez, vous êtes vraiment l’archétype du flic qui ne laisse rien passer, qui ne rit jamais et qui pourrait me tuer sans problème si vous le pouviez ? » lâcha-t-il en regardant de nouveau son écran avant de prendre une gorgée de son café. « On va pouvoir faire connaissance alors si on doit rester tous les deux enfermer dans cette maison. » lâcha-t-il pour le trait d’humour. « Enfin, vous devez sûrement avoir tout un tas de préjugés sur moi puisque vous avez dus lire mon dossier et vous devez croire que vous savez tout. C’est un peu injuste quand on y pense, vous savez une tonne de chose sur moi et je dois me contenter de votre nom. » lâcha-t-elle en la regardant de nouveau, s’attendant à avoir encore une réplique cinglante dont elle a le secret.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

La brune sentait la colère monter et elle dut faire quelques pas en arrière et prendre une grande inspiration pour ne pas exploser. Andrew tournait en ridicule cette mission de sécurité nationale, y voyant de simples vacances dans la capitale britannique. C’était inacceptable. Etait-il inconscient ? Ou simplement stupide ? Il n’était pas censé être stupide, puisqu’il était un expert hacker. Mais peut-être que le brun n’était réellement brillant que lorsqu’un ordinateur était impliqué. Jane s’efforçait d’être patiente, ce qui n’était clairement pas l’un de ses points forts. Ils étaient en début de mission. Il était légitime que quelques ajustements soient nécessaires. L’américaine n’avait simplement pas anticipé l’ampleur de ces derniers. Elle pivota donc de nouveau vers le trentenaire, ses yeux le foudroyant littéralement. Il avait intérêt à l’écouter et à prendre réellement ses propos en considération. Cette opération n’était pas une blague et il était temps qu’il agisse comme l’adulte qu’il était censé être. L’agente n’avait pas pour habitude de devoir se répéter et il y aurait très certainement des conséquences néfastes pour Andrew s’il ne prêtait pas attention à ses paroles.

« Vous avez été menacé de mort, parce que vous participez à la cybersécurité américaine et avez accès à des informations sensibles. » La brune aurait difficilement pu faire plus brutal comme entrée en matière. Pourtant, elle ne s’arrêta pas là. Elle était loin d’avoir fini. « Cette opération n’est ni une blague ni un jeu. L’État américain attend de vous que vous la preniez avec sérieux. C’est-à-dire que vous fassiez votre travail et que vous suiviez mes instructions. » La quadragénaire avança un peu, ses prunelles lançant de véritables éclairs. « Je n’ai rien à faire de ce que vous pensez de moi, ou de si vous m’appréciez. Et j’en ai encore plus rien à faire de qui vous êtes et de ce que vous avez fait par le passé. Je veux juste accomplir ma mission. Je n’ai aucune intention de devenir votre amie ou de vous raconter ma vie. Tout ce que vous avez besoin de savoir c’est que, oui, je vous tuerai sans hésiter si la situation le demande, et, oui, l’idée a déjà traversé mon esprit plusieurs fois ces derniers jours. » Jane prit finalement une grande inspiration, ayant débité sa tirade sans prendre le temps de respirer. Elle se sentait soulagée. Encore fallait-il que le hacker comprenne le message.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

S’il fallait une personne pour casser l’ambiance, la brune ferait parfaitement l’affaire. Seulement Andrew avait l’impression de tourner en rond dans cette maison et ce n’était que le début. Il n’avait pas du tout conscience de ce qui se passait. Jouer sur l’ordinateur, encoder des serveurs ou décrypter des clés d’activation étaient des choses courantes de sa vie. Il se planquait déjà derrière un pseudo internet et des lignes de codes alors s’abriter physiquement dans une ville qu’il ne connaissait pas, c’était superflu à ses yeux. Il allait devoir faire beaucoup d’effort. De très gros efforts pour ne pas tourner fou dans cet environnement. N’importe qui le connaissant saurait à quel point l’empêcher de sortir pourrait être une terrible épreuve. Seulement à la réponse cinglante de Jane, une moue se dessina sur les lèvres d’Andy. Il avait clairement l’impression d’être un gamin à qui on coupait l’herbe sous le pied.

- « D’accord. » lâcha-t-il simplement sans rien chercher à négocier.

Pourtant les paroles tournaient dans son crâne comme une tempête infernale. Andrew n’avait pas toujours eu une confiance aveugle dans le système américain avec ce qui était arrivé dans sa famille. Pourtant si on l’avait envoyé ici, c’était pour une bonne raison. Malheureusement, il était loin d’arriver à voir cette situation comme une véritable protection. N’allaient-ils pas paraître encore plus suspects en restant cloîtré dans cette maison ? Ce genre de quartier était plutôt de ceux avec des commères et des mères de famille qui ne savait pas quoi faire de leur vie alors…

- « Donc vous avez déjà eus envie de me tuer ? » demanda-t-il comme s’il n’avait pas envie de laisser le silence combler le vide de cette maison. « Si cela peut vous rassurer, ce n’est pas la première fois qu’on me dit ça et je parle pas seulement des menaces que j’ai reçu. » lâcha-t-il en vérifiant un dernier serveur. « Enfin, j’imagine que vous n’avez pas envie de discuter avec moi. » ajouta-t-il sans véritablement savoir s’il allait pouvoir vivre dans la même pièce que quelqu’un si leurs seules conversations étaient des banalités.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

Le regard de l’américaine s’adoucit légèrement lorsque l’homme se contenta d’acquiescer à ses propos. Sa leçon avait véritablement fait son petit effet. La brune se détendit, la surprise encore présente sur son visage. Elle s’était préparée à encaisser la réaction enfantine du hacker et à le sermonner de plus belle. Il était évident qu’elle ne s’était pas attendue à une réaction aussi simple et docile. C’était tout ce dont l’agente rêvait du silence et de l’obéissance. Les deux paramètres qui feraient de cette mission un succès et qui la rendraient supportable pour elle. Même si elle ne le réalisait pas vraiment, Jane était aussi un peu déçue. Depuis son divorce et vu son métier, ses contacts humains étaient extrêmement limités. Elle ne savait que se montrer agressive. Pourtant, c’était mieux que rien. Pour l’instant, la quadragénaire pensait totalement l’inverse et moins elle côtoyait de gens, mieux elle se portait. Du moins, c’était ce qu’elle croyait. La membre des forces de l’ordre s’éloigna donc de son colocataire forcé après lui avoir adressé un signe de tête en guise d'approbation de son comportement.

Alors qu’elle s’apprêtait à passer le pas de la porte en direction de la salle de bain, Andrew relança la conversation avec une question puérile. Évidemment. Il ne pouvait pas s’en empêcher. Comment Jane avait-elle pu croire le contraire un seul instant. Cette mission de protection allait être un véritable enfer. Tout simplement. Il n’y avait pas d’autre mot pour décrire la situation. L’américaine s’avança jusqu’au canapé dans un silence glaçant et attrapa l’un des coussins qu’elle lança au visage du brun. Bon. Ce n’était ni très évolué ni très productif. Mais elle avait besoin d’exprimer sa frustration. Peut-être qu’il comprendrait enfin si elle utilisait un langage enfantin, à la hauteur de son âge mental. Et puis, il valait mieux cela plutôt qu’elle en vienne aux mains avec lui. La quadragénaire risquait de le blesser et de compromettre sa propre mission. L’ombre d’un sourire, sincèrement amusé par la situation et ravi de ne pas avoir cherché à contrôler et étouffer ses sentiments pour une fois, passa très furtivement sur les lèvres de Jane, avant qu’elle ne reprenne le contrôle des muscles de son visage. Sur un ton parfaitement ironique, l’agente du FBI lâcha une petite remarque. « Je me demande bien pourquoi tout le monde veut vous tuer, tiens. Vous êtes pourtant très agréable et facile à vivre. Pas du tout immature. »

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

Le problème principal d’Andrew était qu’il détestait le silence. C’était plus fort que lui, il avait besoin de combler le silence quand une autre personne se trouvait dans la même pièce que lui. C’était insupportable par moment et déjà lorsqu’il était enfant on lui demandait de se taire pour savourer le silence. Seulement il se rendait compte que c’était ce dont la brune avait vraiment besoin pour travailler. Un travail qu’il respectait mais dont il avait du mal à accepter. Jouer au pirate du web lui avait toujours plut et comme beaucoup, il avait toujours tenté de repousser ses limites. Seulement il ne pensait pas que cela l’amènerait là où il se trouvait à l’heure actuelle. Clairement, Andy était comme un gamin enfermé dans un corps d’adulte. C’était aussi un moyen pour lui de se créer une carapace que personne n’aurait envie de franchir. Après tout, il détestait parler de son passé ou de sa famille. La seule raison pour laquelle il avait accepté de travailler pour le gouvernement, c’était pour pouvoir protéger sa famille et la mettre en sécurité. Le reste lui importait peu au final. Enfin, un voyage à Londres lui plaisait bien mais être enfermé dans une maison, ce n’était pas prévu dans son idée.

S’il donna l’impression de capituler face aux paroles de la brune, il rechuta presque aussitôt. Le brun avait hésité entre se taire et parler et les habitudes étaient bien trop fortes pour lui. Seulement il ne s’attendait pas à recevoir un oreiller. Son attitude était certes puérile mais il ne s’attendait pas à déteindre sur de l’agent Turner. Un instant, il hésita. Lui renvoyer le coussin n’était clairement pas une bonne idée mais l’envie était très présente. Alors il se contenta de le poser sur la table à côté de son ordinateur.

- « Vous avez oublié intelligent et plutôt pas mal physiquement. » lâcha-t-il avec son plus beau sourire avant de reprendre un peu plus sérieux. « Bien sûr, je suis un peu trop bavard aussi mais ça ne plait pas à tout le monde. J’ai l’impression que cela ne vous plait pas trop d’ailleurs. » lâcha-t-il avec une grimace. « Je vais donc tâcher de prendre sur moi pour ne pas trop envahir votre espace. Mais je ne peux rien vous promettre. » souffla-t-il finalement en prenant le coussin pour le reposer sur le canapé.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

À la seconde où le coussin quitta sa main, l’agente du FBI regretta son geste. C’était puéril. Totalement indigne de ses années d’entraînement et d’expérience. Une simple conversation avec son soi-disant protégé et la voilà qui tombait à dix ans d’âge mental. Elle ne pouvait se laisser atteindre par le côté enfantin du brun. Et pourtant, c’était bien ce que la brune avait fait. Elle avait balayé toute logique et tout sang-froid pour laisser libre cours à sa frustration, d’une manière purement physique. La femme secoua simplement la tête de gauche à droite. Elle ne pouvait laisser Andrew fêler sa carapace de protection ainsi. Surtout pas. Si ses murs venaient à se briser, toutes les émotions qui l’avaient parcourue depuis la mort de son fils et qu’elles ne s’étaient pas autorisée à ressentir risquaient de refaire surface. Ni elle, ni le hacker n’étaient préparés pour une telle déferlante. Non. Il ne voulait définitivement pas ouvrir cette boîte de Pandore. Personne ne le voulait. Jane se promit de ne plus jamais réagir de la sorte à une pique de son colocataire forcé. Elle ne pouvait pas le laisser l’atteindre. Ce n’était même pas une option envisageable à ses yeux.

L’américaine secoua la tête et revint à elle-même. Son interlocuteur n’avait pas l’air d’avoir remarqué son moment d’absence, trop choqué par sa soudaine attaque. Elle plissa légèrement les yeux et suivit avec une attention extrême le moindre mouvement du brun. S’il lui renvoyait le coussin, elle serait obligée de lui casser un bras. Histoire de lui apprendre à ne plus la pousser, ni la suivre, dans ce type de jeu puéril. Question d’exemple. Jane eut un hochement de tête appréciateur lorsqu’Andrew posa le coussin au lieu d’en faire un usage malheureux. Bien. Il avait au moins l’air d’avoir compris qu’elle était dangereuse. Vu que les informations semblaient très difficiles à faire entrer dans son crâne, c’était toujours cela de gagné. Devant les mots du hacker, l’agente leva les yeux au ciel, avec un soupir. Elle était en train de se faire à l’idée. Elle pourrait peut-être dresser son interlocuteur, mais jamais le changer. Elle ne se faisait pas d’illusion. Plutôt satisfaite par les propos de l’américain, la quadragénaire s’avança jusqu’au canapé, jouant machinalement avec les coutures de l’un des appuie-têtes tout en parlant. « Je vous remercie pour cet effort qui, je n’en doute pas, doit être significatif pour vous. J’essaierai de ne pas trop restreindre vos libertés, mais nous sommes confinés jusqu’à nouvel ordre. Donc essayons de ne pas nous entretuer. Enfin, essayez de ne pas me pousser à vous tuer, plutôt. »

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

Le brun était incapable de garder son sérieux très longtemps. Peut-être, face à une véritable situation de crise il saurait se gérer mais il avait malheureusement toujours besoin de lâcher une blague ou de taquiner. Comme pour détendre l’atmosphère. Vivre enfermé dans une maison pour sa sécurité, cela l’effrayait un tant soit peu. Mais il préférait faire le con plutôt que de le dire ouvertement. La brune en face de lui allait avoir du mal à le supporter si elle préférait le silence puisque c’était loin d’être son cas. Cependant il comprenait que cela pouvait être handicapant dans son travail de surveillance si elle avait un gamin de trente-six ans dans les pattes. Andy avait grandi dans une grande famille, le genre où il était impossible d’avoir une minute de calme. Cela allait lui manquer mais il devait faire attention à l’agent Turner s’il ne voulait pas se prendre une balle la prochaine fois.

Un signe de tête en guise d’acquiescement, le génie de l’informatique se contenta de sourire ne sachant ce qu’il pouvait répondre à ça. La conversation semblait terminée, du moins il en avait l’impression. Andrew ne souhaitait pas risquer de se prendre un nouveau coussin. Il avait été assez étonné de voir ce type de réaction chez elle. Cela lui avait donné envie de la tester, de voir jusqu’où il pouvait aller. Mais il n’était pas sûr que tout ça soit une bonne idée. Sûrement qu’il ne saurait rien de plus que son nom. L’américain pourrait sûrement pirater son dossier pour en apprendre plus sur elle seulement à peine avait-il eut l’idée qu’il la chassa rapidement. Cette intrusion serait une raison suffisante pour qu’elle le taille en pièces.

- « Disons que je n’aime pas le silence. » se contenta-t-il de répondre avec un léger sourire. « Et je ne doute pas que vous auriez les moyens de me tuer. Après tout c’est moi la princesse à sauver à l’heure actuelle. » railla-t-il en riant nerveusement avant de retourner à son ordinateur. « Mais si vous avez besoin d’aide, je suis quand même là. » ajouta-t-il en la regardant par-dessus son épaule.

Décembre 2019, Maison dans Colindale,

L’agente se sentait lentement reprendre le contrôle d’elle-même et de la situation. Ses protections qui avaient tremblé pendant un instant revenaient de plus en plus à la normale. La crise était passée. Elle ne ressentait de nouveau plus rien, et c’était ainsi qu’elle se sentait bien. Du moins, il n’y avait que dans cet état de torpeur et de fermeture permanentes que la brune pouvait se supporter. Qu’elle pouvait continuer à marcher et à faire son travail sans s’effondrer à cause de tout ce qu’elle avait perdu. Après la perte de son fils et son divorce, sa seule réponse avait été le verrouillage de toutes ses émotions. C’était encore aujourd’hui son seul mode d’interaction avec son environnement. Jane s’était laissée surprendre par l’authenticité et le côté enfantin et naïf de l’objet de sa protection, mais cela ne pouvait plus arriver. Et cela n’arriverait plus jamais. Que ce soit dans sa vie professionnelle ou personnelle, l’américaine ne laissait plus rien paraître depuis bien des années et elle n’avait aucune intention de changer cette situation. Cela lui convenait très bien. Elle se rendait utile et oubliait les plaies qu’elle n’avait jamais pris le temps de soigner, se contentant de les ignorer.

La femme resta immobile, mais haussa quand même un sourcil amusé lorsque son interlocuteur lui expliqua qu’il n’aimait pas le silence. « Figurez-vous que je m’en serais doutée. » Un sourire léger, mais froid, apparut sur ses lèvres alors que le brun poursuivait. Cette conversation aura au moins servi à lui faire comprendre qu’elle était une réelle menace et qu’il avait de la chance qu’elle soit là pour le protéger et pas pour lui nuire. Le hacker semblait avoir bien retenu cette leçon-là. À l’offre d’aide du jeune homme, la quadragénaire haussa légèrement les épaules avant de répondre. « C’est noté, même si je doute en avoir besoin. » L’agente du FBI salua son colocataire d’un hochement de tête, avant de disparaître dans les couloirs de leur demeure commune. Après son jogging et cet échange, elle avait besoin d’une bonne douche avant de reprendre sa surveillance. La leçon qu’elle retenait de cette conversation, pour sa part ? Qu’Andrew serait loin d’être une mission facile.