(Jonathan & Poppy) I can't believe I am offering this.

Poppy tourna sur elle-même, jugeant d’un air désapprobateur l’image que lui renvoyait son miroir. Une robe rouge, plutôt habillée, épousait le corps de la brune et des talons assortis paraient ses pieds. Sa tenue n’était pas du prêt à porter, mais elle n’était pas non plus d’un luxe extrême. Naturellement, la liverpuldienne ne voyait aucun intérêt à tout cela. Elle n’avait aucune envie de porter une robe de soirée dont la valeur aurait pu subvenir aux besoins de sa mère pendant plusieurs mois. Machinalement, la femme vint toucher sa chevelure bouclée qu’elle n’avait pas particulièrement coiffée pour l’occasion. Il fallait dire qu’elle n’avait aucune envie d’assister à cette rencontre. Il avait fallu beaucoup de patience et d’efforts à son entourage pour la convaincre de se plier à cette mascarade. A un certain point, la journaliste s’était résolue à abandonner son poste au Times, celui pour lequel elle travaillait d’arrache-pied depuis plus de dix ans. Tout plutôt que d’aller demander grâce à Jonathan Burton. Cette pensée la fit grincer des dents. Depuis sa dernière et seule entrevue explosive avec l’héritier, ce dernier avait mis ses menaces à exécution. Il avait porté plainte contre le journal, pour publication de propos diffamatoires. Le Times s’était alors retourné contre elle, cessant de la soutenir et lui intimant de convaincre le brun de retirer sa plainte. La trentenaire avait tergiversé pendant longtemps, se demandant si elle ne préférant pas sacrifier son avenir professionnel plutôt que de revenir ramper devant cet arrogant de Burton. Elle était finalement revenue à ce qui semblait être la raison et avait contacté l’assistante de Jonathan pour arranger un entretien avec lui.

Et naturellement, en grand Burton qu’il était, l’homme avait proposé d’effectuer cette entrevue dans un restaurant luxueux. La brune allait probablement dépenser un bon tiers de son salaire mensuel dans cette soirée. Elle était intimement convaincue que le brun avait fait ce choix volontairement, pour la provoquer. La britannique pouvait déjà imaginer le sourire victorieux de l’héritier et cela lui donnait la nausée. Jusqu’au dernier moment, Poppy tourna en rond dans son appartement, songeant à abandonner et à rater le rendez-vous. Finalement, lorsqu’elle n’eut plus le choix, elle conduisit jusqu’au fameux restaurant. La femme s’était arrangée pour être suffisamment en avance afin d’être la première sur place. Après avoir confié les clefs de son véhicule à un voiturier, elle fut débarrassée de son manteau et on la conduisit jusqu’à leur table. Tout en patientant, la journaliste scruta la pièce dans laquelle elle se trouvait. Tout n’était que faste et abondance, à la limite de l’excès. Rien de cela ne correspondait à son monde. La trentenaire commanda un martini avant l’arrivée de son interlocuteur, n’ayant pas le cœur d’affronter cette soirée sobre. Alors qu’elle sirotait sa boisson, Jonathan Burton fit son entrée dans le restaurant. La liverpuldienne du se rappeler une nouvelle fois qu’elle était là pour enterrer la hache de guerre et non pas envenimer les choses. Elle abandonna donc son verre et se leva, en un mouvement souple au cours duquel elle passa également une main sur sa robe pour en lisser le textile. Poppy tendit ensuite sa main ouverte au milliardaire, un léger sourire aux lèvres. « Bonsoir, Monsieur Burton. »

Lorsque son assistante l’avait informé que la journaliste du Times Poppy Ward souhaitait un entretien avec lui, Jonathan n’avait pu retenir son sourire. Puisqu’il avait tout mis en œuvre afin de discréditer son article sur les hôtels de sa famille, savoir que ses efforts avaient porté leurs fruits le rassurait. Il n’avait pas envie d’un nouveau procès. Il en avait assez avec toutes les affaires courantes qu’engendraient une multinationale comme celle qu’il dirigeait. Le brun n’avait pas eu peur d’utiliser son nom ou son argent pour atteindre ce qu’il voulait. Sa sœur avait pourtant proposé une alternative plus pacifique, seulement Jonathan était compétitif et il avait promis une guerre. Battre en retraite ne faisait pas partie de son caractère. Malgré cela, sa sœur avait eu un avis assez tranchant sur sa réaction quelque peu excessive. Elle avait bien proposé de se servir de l’article comme tremplin afin de publier un nouvel article de ce qui avait changé depuis. Seulement l’héritier s’était mis en tête de jouer avec la brune, sûrement en souvenir des petites guerres d’adolescents qu’il adorait provoquer lorsqu’il n’était encore qu’un gamin. Pourtant le brun savait parfaitement qu’il n’était plus temps de jouer à ça. Surtout le caractère de la brune semblait aussi déterminé que le sien.

Alors il lui donna rendez-vous dans un restaurant de luxe. Dans un lieu où il avait l’habitude de conclure des affaires. Bien sûr, sa sœur ne manqua pas de lui rappeler qu’il n’était plus ce gamin capricieux qu’il était avant de se retrouver à la tête de l’entreprise. Qu’il devrait mettre de l’eau dans son vin. Mais également lui rappeler que si Poppy avait moins d’argent qu’eux, elle pourrait facilement le mettre à terre si elle le souhaitait. Si l’argent était un atout, avoir ses entrées dans un journal l’était tout autant à ses yeux. Un sourire se dessina sur ses lèvres à cette idée. Il était temps qu’il se concentre au lieu de penser à tout et n’importe quoi. Jonathan était un homme d’affaire qui allait devoir négocier et au vus de leur dernier entretien, il doutait que cela serait simple. Un soupir quitta ses lèvres alors qu’il arrivait finalement devant le restaurant. Il descendit de la voiture de luxe, laissant son chauffeur s’occuper du véhicule avant d’entrer dans le restaurant. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’il saluait les personnes qu’ils connaissaient avant de suivre le chef de salle à la table qu’il avait réservé. Un léger soupir quitta ses lèvres pour se donner du courage avant de regarder la brune qui se trouvait déjà là. Furtivement son regard parcouru sa tenue flamboyante.  S’il n’était pas là pour régler une histoire avec l’entreprise, sûrement qu’il aurait songé à flirter. Il était tout de même un homme qui appréciait les jolies femmes et il ne pouvait ignorer la beauté de son interlocutrice. Il serra la main de la jeune femme avec un sourire.

- « Bonsoir Mademoiselle Ward. » répondit-il avant de s’asseoir en face d’elle après avoir demandé un whisky. « Je souhaiterais m’excuser pour mon comportement lors de notre dernière entrevue. C’était tout à fait déplacé de ma part de remettre en question votre travail. »

Les mains de la jeune femme se joignirent naturellement dans une posture d’attente, tandis que le fils Burton traversait la salle jusqu’à la table qu’ils allaient partager. Elle dut se retenir de lever les yeux au ciel en le voyant agir comme un président fraîchement élu, qui se faisait féliciter par tous ses supporters. N’était-il jamais lassé des faux sourires et des poignées de main ? Visiblement pas. Le brun posa ses yeux clairs sur elle et elle se raidit inconsciemment. Ne pas lui dire à quel point elle le détestait. Ne pas lui reprocher tout ce qu’il avait et ne méritait pas. Poppy n’avait qu’à sourire et hocher la tête comme une parfaite figurante. Le seul effort qu’elle devrait fournir consisterait à trouver un accord avec l’héritier. Ensuite, elle pourrait finir son repas, quitter ce restaurant hors de prix et oublier cette histoire pour de bon. C’était ce à quoi elle se raccrochait : le moment où elle fermerait la porte de son appartement, retirerait ses escarpins et que ce cauchemar de procès et de diffamation serait définitivement terminé. Son sourire le plus charmant et délicat aux lèvres, la britannique autorisa ses yeux à analyser la tenue de son partenaire de négociation avant de reprendre le contrôle au bout de quelques secondes. Encore un costume hors de prix, comme lors de leur dernière rencontre. Décidément, le dressing du milliardaire devait valoir autant que le PIB d’un pays en voie de développement. La trentenaire mordilla l’intérieur de sa joue, s’obligeant à ravaler la réflexion qui se préparait déjà dans son crâne. Paix et négociation. C’était là les thèmes de cette soirée et elle s’y tiendrait.

L’homme lui serra la main et la demoiselle n’émit pas de réaction particulière. C’était pourtant un grand progrès. La dernière fois, dans son bureau au Times, il lui avait refusé même ce simple geste de politesse. Peut-être que Jonathan était réellement venu à cette rencontre avec de bonnes intentions, aussi surprenant que cela puisse paraître. Suivant les gestes de son interlocuteur, la journaliste s’assit sur sa chaise, croisant immédiatement les jambes. Après avoir commandé sa boisson, le PDG de la Burton Company lui présenta ses excuses et elle ne put empêcher ses prunelles de s’écarquiller d’une manière évidente. La liverpuldienne ne s’était très certainement pas attendue à cela en arrivant à cette table. Elle resta silencieuse quelques instants, signe qu’il l’avait réellement prise par surprise. La brune n’avait aucune intention de s’excuser. Ce n’était pas dans ses intentions et, de toute manière, elle ne serait même pas capable de laisser les mots franchir la barrière de ses lèvres. Toujours souriante, la femme s’exprima posément, sélectionnant chacune de ses paroles avec grand soin. « Je vous remercie pour ces excuses… Et j’espère que le temps vous a permis de comprendre pourquoi vous n’aviez pas été prévenu à l’avance de la publication de cet article. Il est évident que vous auriez eu les moyens d’empêcher sa parution et ni ma direction, ni moi-même ne voulions prendre ce risque. Pas avec le travail qu’il représentait. » Poppy testait encore le terrain. Elle ignorait si elle faisait face à un Burton véritablement repenti ou si le masque si soigné allait se briser et, que d’un instant à l’autre, elle allait se trouver face au même enfant égoïste que la dernière fois.

L’héritier était clairement surpris par la tenue de la brune en face de lui. Un instant, Jonathan se demanda pourquoi elle faisait tous ces efforts. De ce qu’il avait compris, l’argent n’était pas ce qui lui plaisait, loin de là. Peut-être s’était-il trompé sur elle. Après tout, elle lui avait bien demandé cet entretien et si le choix du restaurant venait de lui, jamais il n’avait songé qu’elle porterait une tenue certainement plus chère que la plupart des vêtements qu’elle portait au quotidien. Le brun ne jugeait pas. Il en était simplement étonné. Les excuses qu’il prononça était sincères. Enfin assez pour essayer d’enterrer la hache de guerre avec la journaliste. Jonathan n’avait pas l’habitude de ce genre de paroles. Seule sa sœur avait pu entendre le trentenaire s’excuser. Mais il devait faire un minimum d’efforts afin d’arranger ce qu’il avait causé. Bien que la légère surprise de la brune vis à vis de ses excuses ne lui échappa pas, il n’en fit aucun commentaire. Ne pas jeter de l’huile sur le feu. Tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de prononcer la moindre parole. Du moins le temps nécessaire pour jauger l’humeur de la journaliste même si Jonathan se doutait qu’elle était impatiente que ce repas se termine. Sa réponse était une preuve à ses yeux qu’elle serait une adversaire redoutable dans ce jeu qu’il avait décidé de jouer. Conscient que chacun des mots qu’elle usait était soigné, il se contenta d’un hochement de tête. S’il ne comptait pas lâcher l’affaire si facilement, il était toutefois intrigué par la brune. Il avait bien compris que les personnes comme lui étaient loin d’être le genre qu’elle considérait, du moins il ne faisait pas partie de ces gens. Seulement c’était elle qui l’avait contacté.

- « Je comprends votre point de vue. Seulement votre travail a eu un effet assez négatif sur le mien. Donc j’ose espérer que vous comprenez ma colère bien qu’elle était quelque peu excessive. » concéda-t-il. « Je vous avoue que j’ai été assez surpris lorsque mon assistante m’a fait part que vous souhaitiez un entretien. » lâcha-t-il finalement, curieux de savoir pourquoi elle était la alors qu’il était clair que leur dernier entretien ne leur avait donner ni à l’un, ni à l’autre, l’envie de se revoir.

Il avait l'impression de jouer à un jeu un peu dangereux. Le brun savait qu'il devait marcher sur des oeufs avec la journaliste. Cette situation devait le servir. Cet article, il ne pouvait pas l'effacer mais il pouvait essayer l'idée de sa soeur. Tenter d'avoir un nouvel article. Ecrit par la même plume et publié dans le même journal. Mais pour ça, il devait mettre de l'eau dans son vin ce qui était bien loin de son caractère habituel.

Une moue indéchiffrable prit place sur le visage de la femme alors que le milliardaire lui répondait. Elle était déçue, mais elle ne pouvait pas dire qu’elle était surprise. Bien qu’il y ait une nette amélioration, les propos de Jonathan manquaient encore cruellement de réalisme et de remise en question. Comment osait-il commenter sur l’effet négatif de son article sur les hôtels Burton ? Poppy n’avait rien inventé. Elle s’était contentée de décrire la réalité. Alors si quelqu’un avait causé cette mauvaise publicité à l’entreprise familiale, ce n’était pas elle, mais bien sa propre administration. Était-il aveugle ? Probablement pas. Il était certainement juste plus simple pour lui de se défouler sur la journaliste sans défense, celle qui n’était même pas soutenue par ses propres supérieurs, plutôt que de faire l’effort de remettre en question la structure et le fonctionnement de la chaîne d’hôtels. La solution de facilité était toujours plus attirante, surtout quand on avait tout obtenu sur un plateau d’argent, sans le moindre effort. La brune porta son verre à ses lèvres, avalant une gorgée raisonnable du liquide. Il fallait plus d’alcool dans son sang si elle devait passer l’entièreté de ce repas sans dire ses quatre vérités au fils Burton. La britannique faisait partie de ces gens que l’alcool permettait de calmer, et qui étaient bien plus sur les nerfs lorsqu’ils étaient sobres. Elle reposa ensuite délicatement son verre sur la table, préparant sa réponse.

« Vous me reprochez l’effet négatif sur les hôtels Burton ? Pourquoi ne pas reprocher cela à la personne qui a fait des placements financiers douteux au nom de votre entreprise, hum ? Je sais qu’il est plus simple de tirer sur le messager que sur le décideur, mais tout de même… » La trentenaire inspira avant de reprendre, chacun de ses mots touchant parfaitement la cible qu’elle visait. « J’ai du mal à vous imaginer surpris, sachant que vous avez attaqué le Times en justice pour diffamation. Il est logique que mes supérieurs tentent de trouver un accord à l’amiable avant de finir au tribunal. » La liverpuldienne s’interrompit alors qu’une serveuse revenait vers eux, apportant la boisson de son interlocuteur ainsi que les cartes. Elle la remercia poliment et ouvrit la carte devant elle. Ses yeux ne restèrent que quelques instants sur les lignes imprimées avant de remonter vers le visage du Jonathan, en se plissant. Poppy se décida à poser la question qui la préoccupait réellement. « Évidemment, votre réaction serait déjà plus compréhensible si vous ignoriez l’existence de ses transactions. Les dates sont un peu floues, donc je n’ai pas réussi à savoir si cela avait eu lieu sous votre direction ou celle de votre père. Si c’est le cas et qu’il a malencontreusement oublié de le mentionner, je n’ose imaginer votre surprise et votre frustration. » Si son hypothèse se vérifiait, l’homme avait dû être aussi terriblement déçu. Il devait aduler son père, comme tous les bons fils à papa.