(Maia & Poppy) A refreshing new face

La femme repoussa sa longue chevelure brune derrière son épaule avant de venir frotter le dessous de son œil droit. La fatigue marquait ses traits, de plus en plus depuis quelques semaines. Entre son travail qui lui causait beaucoup de soucis et les ragots que le Cosmopolitan avait trouvé le moyen de publier sur elle, Poppy peinait à trouver le sommeil. Les propos mensongers du blogueur anonyme ne risquaient pas réellement de compromettre la carrière de la journaliste. Dans son milieu, les gens savaient qu’il valait mieux ne pas se fier à une source aussi louche et la traiter différemment au nom d’accusations infondées. Néanmoins, elle ne pouvait pas prétendre que la publication du Cosmopolitan ne l’avait pas atteinte. C’était un peu la goutte d’eau qui avait amené le vase au bord du débordement. C’est pour se changer les idées que la britannique avait demandé à traiter un sujet non politique, pour une fois. Elle n’avait pas l’énergie de se trouver face à un requin avide de pouvoir avec lequel elle marcherait constamment sur des œufs. Durant de tels entretiens, le moindre faux pas pouvait précipiter sa carrière vers une fin dramatique. La liverpuldienne avait beau apprécier l’adrénaline du débat et de la joute verbale, elle ne rêvait que d’un peu de calme et de douceur. C’est ce que la trentenaire espérait trouver en poussant la porte de la galerie d’art dans laquelle elle avait rendez-vous ce jour-là. Le Times avait décidé de publier un article sur ce lieu de culture, en accord avec sa propriétaire.

La demoiselle regarda curieusement autour d’elle alors que ses talons claquaient sur le lambris brillant qui couvrait le sol. Cherchant un interlocuteur, elle s’arrêta tout de même devant un tableau qui avait particulièrement attiré son attention. L’œuvre était abstraite, mais cela n’empêchait pas la brune de se retrouver dans cette harmonie de couleurs et de formes. Elle y reconnaissait le chaos qui agitait son esprit quand elle se prenait à trop réfléchir à son avenir et à ses ambitions. Bien que la situation avec ses supérieurs se soit améliorée depuis que Poppy avait réussi à convaincre Jonathan Burton de retirer sa plainte contre le journal, son amertume ne s’amenuisait pas. Elle n’arrivait pas à oublier la façon dont tous s’étaient retournés contre elle et avaient remis son travail en question. Il était difficile pour la britannique d’accorder de nouveau sa confiance à ses employeurs après la pression qu’ils avaient mis sur ses épaules pour qu’elle règle cette affaire. La trentenaire soupira et tourna sur elle-même, alors qu’une blonde entrait dans son champ de vision. Elle lui sourit poliment et s’avança jusqu’à elle, lui tendant la main afin de la saluer. « Bonjour ! Je suis Poppy Ward, la journaliste du Times. Si je ne me trompe pas, nous avions rendez-vous pour que j’écrive un article sur la galerie. » La liverpuldienne jeta un nouveau regard circulaire autour d’elles avant de reprendre. « Je vous avoue que l’art n’est pas ma spécialité, j’espère que vous ne m’en tiendrez pas trop rigueur…»

Une nouvelle journée débutait à la galerie, Leïla était en rendez-vous d'affaire à l'autre bout de la ville. Elle m'avait indiqué via un petit mot laissé à la va-vite sur le bureau qu'une journaliste du Times devait passer pour faire un article dans la matinée. Ces derniers temps j'avais l'impression qu'elle m'évitait, elle trouvait toujours une excuse pour s'éclipser ou s'enfermer dans son bureau toute la journée. Je n'avais toujours pas eu le temps de lui reparler de ce baiser, mais est-ce qu'elle avait vraiment besoin ou envie d'en reparler ? En ce moment j'en doutais fortement. J'étais en train de trier les dossiers des derniers artistes souhaitant exposer lorsque j'avais entendu la porte de l'entrée s'ouvrir. Je jetai un coup d'oeil rapide dans la salle, et distinguai une jeune femme en pleine admiration devant notre dernière acquisition. Il me fallait encore quelques minutes pour terminer, elle avait l'air si concentrée que j'en profitai pour finir la tâche qui m'incombait. Je remis quelques papiers en ordre, et me dirigeai vers elle.

La jeune femme se retournait déjà en me souriant, et se présenta, il s'agissait de la journaliste. Elle était plutôt menu, et arborait une magnifique chevelure brune, elle était vraiment jolie à vrai dire. Poppy Ward...pourquoi ce nom me disait-il quelque chose ? Impossible de m'en souvenir pour le moment. Je lui tendis la main pour la saluer, et ajoutai en souriant.

« Bonjour ! Enchantée mademoiselle Ward, Maia Langston, assistante à la galerie. Ma patronne n'a malheureusement pas pu se libérer mais je devrais pouvoir répondre à vos questions sans aucun problème. »

Elle avait l'air un peu perdue, ce qui se confirma quand elle ajouta ne pas connaître grand chose au monde de l'art, ce qui me fit sourire.

« Il n'y a aucun souci, je serais ravie de vous en apprendre un peu plus sur ce milieu ! »

L’assistante de la galerie lui rendit ses salutations avec politesse et enthousiasme. Le sourire de la britannique s’élargit quelque peu. C’était tellement diffèrent. Lorsqu’elle se retrouvait face à un interlocuteur du monde politique, une lutte de pouvoir s’installait immédiatement. Ils devaient surveiller leurs moindres paroles et la brune devait s’assurer de ne pas se laissait manipuler par leurs discours habilement travaillés. Ici, Poppy ne ressentait que des bonnes ondes. Évidemment, elle avait choisi de travailler dans le monde politique et elle ne regrettait absolument pas ce choix. Toutefois, un break de douceur ne faisait jamais de mal. La trentenaire était ravie d’avoir convaincu ses supérieurs de la laisser couvrir ce sujet. Cela lui ferait probablement beaucoup de bien et elle reviendrait dans le domaine politique plus forte que jamais. Maia rassura la journaliste lorsqu’elle s’inquiéta de son manque de connaissance du milieu. La tolérance et l’ouverture d’esprit de son interlocutrice étaient rafraichissantes. Un soupir de soulagement échappa de la poitrine de la femme. Heureusement que la blonde ne lui tenait pas rigueur de son manque de préparation.

La liverpuldienne regarda quelques instants autour d’elle, notant mentalement qu’il faudrait qu’elle demande à un photographe du Times de venir prendre de quoi illustrer l’article, avant de reprendre. « Enchantée mademoiselle Langston, et merci de votre compréhension. Cela ne devrait pas prendre plus d’une petite heure, ne vous inquiétez pas. Je pensais commencer par une présentation de la galerie en elle-même : son histoire et les motivations qui ont conduit à son ouverture. Ensuite, nous pourrions faire un panorama des artistes et des genres que vous représentez. Enfin, je voulais vous proposer de mettre plus spécifiquement en lumière deux ou trois œuvres de votre choix. Qu’en pensez-vous ? » La trentenaire se sentait tellement à l’aise, qu’elle aurait juré que son fort accent de Liverpool ressortait. Elle avait pourtant passé tellement d’années à le gommer et à le rendre indétectable. Poppy se laissait décidément beaucoup trop aller.