Besoin de se confier ~ Blight+Maia

Besoin de se confier

Studio de Maia, décembre 2019

« Bouh ! »

Je sursautais tout en ouvrant un nouvel onglet sur l’un des ordinateurs communs du bureau avec hâte. La main sur le cœur pour reprendre un rythme cardiaque normal je me retournais pour faire face à mon collègue qui avait eu la bonne idée de me prendre par surprise. Je venais de falsifier des preuves qui auraient pu mener l’un des meilleurs clients de Spencer en prison si quelqu’un y avait prêté plus d’attentions. Si mon collègue avait eu le temps de lire ça, il aurait probablement menacé de me dénoncer. Lui qui était toujours si à cheval sur le règlement. Mais au regard amusé qu’il me lançait, je comprenais qu’il rien vu. Après quelques banalités que j’écoutais à peine, il quitta l’open space que nous partagions depuis des années.  

Une fois seul, je supprimais de l’ordinateur les preuves qui auraient pu me mener jusqu’à cet acte. Je détestais cela.  Cette crainte qu’un jour je me fasse prendre. Le fait de devoir épargner des types qui me dégoutaient pour protéger ceux que j’aimais et aider un ami. Cette obsession à cacher la moindre preuve. Le moindre indice qui aurait pu me mener jusqu’au mafieux irlandais. Mais ce que je détestais particulièrement, c’était de ne pas pouvoir me confier sur cette angoisse avec mes proches. Personne n’était au courent. Presque personne.

Lorsque qu’elle m’avait annoncée qu’elle avait décidé de s’installer à Londres de manière plus permanente, Maia m’avait offert là le plus beau des cadeaux. Elle était la seule personne en qui je pouvais me confier entièrement sur ma vie. En tant que père et fille, nous étions très proches dès son plus jeune âge. Mais si d’ordinaire ce genre de relation finit par s’atténuer avec le temps, les années, la maladie de Maia et notre secrets avaient plutôt renforcé ce lien.

En quittant les bureaux d’Interpol, je décidais donc d’envoyer un message à ma fille pour lui annoncer que j’allais passer. Après la frayeur que je venais de vivre, lui parler me ferait le plus grand bien. De justesse, je montais dans l’autobus rouge qui me menait vers le studio de Maia dans la City. Arrivé à l’arrêt le plus proche, je passais rapidement à l’épicerie pour lui acheter quelques biscuits de Noel américains. Ils avaient presque le même gouts que ceux que nous achetions dans l’Iowa quand elle était petite ! Puis, une fois devant l’Interphone de la porte qui menait à son studio, je sonnais.

« Ici le père Noel ! »

Besoin de se confier

Décembre 2019, une journée glaciale.

« I got a pocket, got a pocketful of sunshine.
  I got a love, and I know that it's all mine.
  Oh, oh whoa

  Do what you want, but you're never gonna break me.
  Sticks and stones are never gonna shake me.
  No, oh whoa »

Malgré le temps qui se refroidissait de jour en jour là-dehors, je ne cessais de garder la mine souriante. Mon réveil me redonnait la chaleur qu'il me manquait en période de grand froid. Je me réveillais, m'étirant dans tous les sens, je n'avais aucune envie de sortir de mon lit. Il était si confortable, et je n'avais rien de prévu aujourd'hui, alors . Je décidais de profiter un peu de ce répit, de sentir la douceur des draps sur mon corps, ce matelas était si moelleux... Je n'avais pas un grand appartement avec une vue à couper le souffle sur la ville, non j'avais simplement un petit studio dans le centre. Mais cela me suffisait amplement, je n'avais jamais eu la folie des grandeurs et j'aimais me contenter de peu, et un rien me rendait heureuse. Quand vous aviez frôlé la mort, tout ce qui vous importait après c'était de profiter de chaque instant, quel qu'il soit.

J'avais passé la journée ici, à trier mes photos, et faire des retouches. Je travaillais depuis peu dans une galerie d'art en tant qu'assistante, et je rêvais de pouvoir y exposer mes photos un jour ou l'autre. Ce que j'aimais par-dessus tout c'était capter l'essence de la nature qui nous entourait, ou encore des lieux emblématiques dont le monde était doté. Depuis ma guérison, je voulais faire partager aux gens tout ce qui pouvait être beau sur cette Terre. Et tout ce que peu d'entre nous prenaient le temps de regarder. J'étais arrivée à Londres quelques mois plus tôt, et bizarrement je m'y sentais déjà comme chez moi. J'étais très proche de ma famille, encore plus de mon père, quand il était parti pour vivre ici, j'avais tout de suite pensé à le rejoindre. Cela m'avait pris quelque temps, pour m'organiser, trouver un job, et planifier ce qu'allait être ma vie ici.

Tout c'était déroulé comme ce que je l'avais planifié, du moins en grande partie, la vie s'était ça aussi, des petits imprévus qui la rendait plus attrayante et des fois plus compliquée. Mais c'est ce qui nous forgeait et nous rendait plus fort au fil des années. L'après midi touchait bientôt à sa fin, et la nuit de l'hiver pointait peu à peu le bout de son nez. La sonnette retentit alors, décrochant l'interphone j'entendis :

« Ici le père Noel ! »

« Hey ! Je ne pensais pas te voir aujourd'hui ! Vas-y c'est ouvert ! »

Besoin de se confier

Décembre 2019, une journée glaciale.
C’est le cœur léger que j’entrais dans le hall de l’immeuble qu’occupait ma fille. Certes, avec son architecture vieillissante, il manquait un peu de charme à mes yeux. Mais il était plutôt bien situé, bien entretenu, bien fréquenté, et bien adapté au handicap de Maia. J’avais été le plus heureux des hommes lorsque j’avais appris que Maia allait s’installer à Londres et je comptais profiter un maximum de sa présence avant qu’elle ne décide de changer d’avis. Un sourire éclatant sur le visage, je lassais ce qui semblait être une famille sortir de l’ascenseur avant de les remplacer dans la cage métallique. Emprunter les escaliers aurait pu me faire du bien, mais tel un enfant le jour de Noel, je n’avais aucune patience. Arrivé enfin devant l’appartement, je toquais à la porte qui s’ouvrit aussitôt.

« Bonsoir ma chérie, fis-je en posant un baiser tendre sur le front de ma fille. »

Comme son appartement était chauffé, j’ouvrais un peu mon manteau pour ne pas trop étouffer.

« Désolé de passer totalement à l’improviste. Tu attends peut-être quelqu’un ? »

Mes yeux parcoururent la pièce à la recherche d’éléments qui indiqueraient qu’en réalité, ma fille aurait préféré que je repasse un autre jour. En tant que flic, j’avais appris à observer les lieux. Mais là, je semblais être plutôt le bienvenue entre ces murs.

« Comme tu es l’enfant la plus gentille, le père Noel a décidé de t’offrir ça en avance, annonçais-je en tendant le paquet de gâteaux de Noel avec un air espiègle. »

C’était exactement le même discours que sa mère et moi faisions à son frère et elle en leur tendant des gâteaux à quelques jours de Noel. Ma phrase me ramena alors à notre passé, notre famille heureuse et unie. Malgré le fait que je sois depuis tombé amoureux d’Elsa, Sarah me manquait réellement. Tout autant que Charly qui s’était mis à me détester.

« J’avais besoin de discuter, fis-je alors d’un ton bien plus sérieux. »

Besoin de se confier

Mon père avait débarqué plutôt de bonne humeur, du moins c'est l'impression qu'il m'avait donnée au début. Il avait ramené les fameux gâteaux de pré Noël qu'il nous offrait tous les ans, ma mère et lui, lorsque nous étions enfants avec Charly. J'avais l'impression que c'était hier et en même temps, tout cela me paraissait être une autre vie. Quand ma maladie avait pointé le bout de son nez tout avait changé, et notre petite vie paisible avait commencé à sombrer dans le chaos. J'ai toujours essayé de rester positive, mais après la disparition de ma mère, j'avais l'impression que notre famille s'enlisait. Il fallait que je reste forte, Charly et Papa comptaient sur moi après tout.

« Bonsoir Papa, comment vas-tu ? Tu veux poser tes affaires ? Boire quelque chose de chaud ? Aller se promener ? Dis moi ! »

Je lui souriais à nouveau. Lorsqu'il était partie j'avais eu beaucoup de peine à l'époque, mais je savais qu'il avait besoin de temps pour se reconstruire, et que malgré ce que Charly pouvait penser, nous voir constamment lui rappelait continuellement l'être cher qu'il avait perdu. Il n'avait jamais pleuré devant moi, mais je savais que j'étais l'une des rares personnes avec laquelle il baissait la garde.

« Je n'attends personne, tu es le bienvenu ici voyons ! Assieds toi et racontes moi tout. »

Je lui fis signe de prendre place sur le canapé, et m'assis face à lui sur un pouf. J'avais posé les gâteaux sur la table basse, et apporté des chocolats chauds avec de la guimauve. Mes préférés depuis toujours.

Besoin de se confier

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J'amenai ma tasse jusqu'à mes lèvres en écoutant mon père se confier à moi. Son travail avait toujours été compliqué, et les secrets en étant une des conséquences principales. Tout se compliquait avec les secrets, et j'avais pu en être témoin tout au long de ses années. J'avais toujours su vivre avec jusqu'à présent, mais je pense que mon père s'enlisait de plus en plus dans ces histoires, et que ça finissait par lui coûter.

« Dis moi papa, est-ce que cette vie te plaît encore ? De cacher constamment des informations, d'être toujours sur la défensive ? Ne pas savoir à qui tu peux parler ou non ? Tu n'as pas envie de te poser après tout ce temps ? De...de refaire ta vie ? »

Je ne lui avais jamais dis tout cela, après tout, tout ça avait commencé à cause de moi.

« Tu sais que tu peux tout me dire, et je sais que tout a commencé à cause de moi...Mais je ne pense pas que garder continuellement ces secrets soit sain pour toi. Mets les choses à plat avec tes supérieurs, ou tires un trait sur Spencer et ses secrets. Non ? »

Je crois qu'il ne s'attendait pas à ce que je dise tout ça, et je ne m'attendais pas à lui dire tout ça. Mais je pense qu'il en avait besoin, et qu'il était temps pour nous deux de regarder les choses en face. Je lui souris malgré tout, en posant ma tasse, et le pris dans mes bras.

« Je t'aime tu sais, et peu importe ta décision, je te soutiendrai, je veux juste que tu sois heureux... »

Besoin de se confier

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Je crois qu'il ne savait pas comment refaire sa vie, mais lui seul pouvait avoir la réponse.

« Je ne sais pas, tu sais tu es le mieux placé pour le savoir. Tu n'as pas envie de reconstruire quelque chose avec une femme ? Ou un homme d'ailleurs, qu'en sais-je après tout ! Peut-être Spencer ? »

Lui dis-je en rigolant, sachant parfaitement qu'il avait une très grande préférence pour les femmes, et qu'il n'y avait aucun doute à avoir. Mais j'aimais bien m'amuser de cela avec lui, et ça permis de le faire rire. Nous continuions à discuter, de tout cela, même de Spencer, qui malgré tout, avait pris une place importante dans la vie de mon père. Mais était-ce une relation bénéfique ?

« Je sais que tu penses le connaître à présent, mais je ne pense pas que la question soit de savoir s'il s'agit d'un homme bon au fond ou non. La question serait plutôt, est-ce que ta relation avec lui est bénéfique pour toi ? Parce que de mon point de vue...il n'apporte que du mauvais. Et je pense sincèrement qu'il se sert de toi...Mais je ne suis pas à ta place et je ne le connais pas personnellement. Donc tu es le seul à pouvoir répondre à cette question. »

J'ai l'impression que mon père cherchait des excuses à cette relation, comme ci celle-ci l'avait empoisonnée et qu'il n'arrivait plus à s'en défaire. Comme si son subconscient avait admis que cette relation était justifiable.

« Tu ne peux pas tout changer seul, et tu auras probablement besoin d'aide. Mais dans vos métiers, est-ce que ce ne sont pas des choses récurrentes ? Il faut que tu trouves la force d'enlever cette emprise qu'il a sur toi, et de faire table rase du passé. Cet homme ne fait que te rappeler ce que tu veux oublier chaque jour qui passe. »

Je ne sais pas si mon père s'attendait à un discours si philosophique de ma part, mais je n'avais pas envie qu'il prenne encore des risques pour se prouver je ne sais quoi, et j'aurais aimé qu'il retrouve enfin le bonheur.

Besoin de se confier

JCela me faisait beaucoup de bien de m’entretenir ainsi avec Maia. Notre conversation avait prit une tournure particulièrement sérieuse et philosophique très agréable. J’émis cependant un rire jaune quand ma fille adorée suggéra avec amusement que je me mette en couple avec Spencer. Je n’avais jamais éprouvé une quelconque attirance sexuelle pour l’irlandais ou pour n’importe quel homme. En fait, les deux seules femmes avec qui j’avais un jour imaginé faire ma vie étaient Sarah et Elsa. Mais l’une était morte et j’étais en froid avec l’autre, sans savoir si un jour on pourrait retrouver le lien qui nous unissaient. J’aurais sans doute dû parler d’Elsa à Maia à l’époque. Mais il était peut-être trop tard. Cependant, je fu heureux d’entendre que Maia acceptait le fait que je puisse refaire ma vie. Sarah étant sa mère, j’aurais compris qu’elle ne l’accepte pas. J’avais moi-même encore du mal à l’accepter.

« Je pense au contraire que ma relation avec Spencer m’a beaucoup apportée, répliquais-je. Cette relation t’a sauvé la vie. C’est ce qui est le plus important avec celle de ton frère. »

Je détournais un peu le regard, Maia n’était pas sans savoir que ma relation avec Sebastian n’était pas aussi idyllique qu’avant. Quant au fait de savoir si Spencer se servait de moi ? La réponse était probablement « oui ». Mais comme un accroc à la cigarette qui sait que cela va finir par le tuer, j’étais incapable de me défaire de son emprise.

« Je ne suis pas aussi fort que tu le crois Maia, cette emprise est bien trop forte pour que je m'en défasse aussi vite. Si je parle de toute cette histoire à mes supérieurs, si je leur avoue que j’ai été une taupe pendant tout ce temps, je serais renvoyé de l’agence sans la moindre procédure.»

Je relevais un peu la tête en m’adossant contre le canapé.

« Tout ceci ne serait pas arrivé si les systèmes de soins et médicaux américains étaient mieux faits, grognais-je un peu. Une famille comme nous ne méritait pas de tout perdre. »

Besoin de se confier

Je voulais croire qu'il aurait refait sa vie depuis, bien sûr j'aurais aimé que ce soit avec maman mais tout ça était bien loin désormais...Je pensais à elle tous les jours, je me demandais constamment ce qu'elle aurait pensé de tout ça, je pense qu'elle aurait voulu nous voir heureux. Elle me manquait chaque seconde, et j'étais triste de ne pas avoir pu lui dire au revoir.

« Si j'avais su dans quelle situation tout cela allait te mener...j'aurais voulu que tu n'aies pas à faire ses choix pour moi. »

Tout cela avait brisé notre famille, et mon frère s'était éloigné. Mon père n'avait pas pu le retenir, j'essayais de les réconcilier depuis, mais ça n'était pas une chose aisée. Je m'en voulais, je ne leur avais jamais dit, mais tout ça me pesait. Après tout, tout avait commencé lorsque j'étais tombé malade. Si tout ça n'était pas arrivé...

« Papa, les choses justes sont rarement faciles à faire ou à dire...Je sais que cette histoire pourrait te revenir en plein visage mais je pense qu'il est vraiment temps de tourner la page. Cette situation te pèse, et te rappelle constamment nos malheurs passés. Il est temps de passer à autre chose papa... »

J'ai l'impression que mon père cherchait des excuses à cette relation, comme ci celle-ci l'avait empoisonnée et qu'il n'arrivait plus à s'en défaire. Comme si son subconscient avait admis que cette relation était justifiable.

« Tu ne peux pas tout changer seul, et tu auras probablement besoin d'aide. Mais dans vos métiers, est-ce que ce ne sont pas des choses récurrentes ? Il faut que tu trouves la force d'enlever cette emprise qu'il a sur toi, et de faire table rase du passé. Cet homme ne fait que te rappeler ce que tu veux oublier chaque jour qui passe. »

Je n'avais jamais été contrariée par mon père mais ces quelques mots me retournèrent un peu...

« Papa, tout ceci est arrivé parce que j'étais malade, mais surtout parce que des mauvais choix ont été fait. Je te serais éternellement redevable pour avoir payé toutes les factures de l'hôpital et m'avoir permis de m'en sortir. Mais si on veut que notre famille redevienne soudée et avance, il faut faire table rase du passé... »

Je ne savais pas trop comment allait réagir mon père, je ne voulais pas le froisser mais il était temps de dire les choses. J'avais envie de renouveau, de repas de famille unie...