Bon retour de France ~ Iris.

1~ Tu connais le cliché de la famille nombreuse, qui tient à son sacro-saint repas dominical ? Eh bien, c'est nous. Deux parents dégoulinants d'amour, de véritables modèles, et 5 frères, à croire que j'étais le produit offert quand tu en achètes un mais sans la possibilité de choisir. Une fraternité soudée, dans les engueulades surtout. Un père, médecin, né à Bristol, pur souche, à croire qu'il a construit la ville et une mère, infirmière née à la Barbade et qui fut muté, il y a fort longtemps *voix de grand-mère* Le grand amour et paf, non, pas de céréales mais moi et mes frères. Deux avant moi et deux après. La seule fille, un peu le berger guidant les moutons.

2~ Mais j'ai eu une chance inouïe d'avoir deux sœurs de cœur : Louise et Kate. Rencontre solennelle à la maternelle, on ne badine pas avec le gouter. Avais-je la manie de piquer le leur à tour de rôle ? Je n'avouerais même pas sous la torture. Nous avons grandi ensemble. Nous avons eu des moments d'éloignement. Comment ça deux heures sans se parler n'est pas valable ? Nous etions le trio infernal mais je me sentais invincible à leurs côtés, nos premiers émois, nos joies, nos peines, nos mensonges. Sans elles, je n'aurais jamais vécu ma meilleure vie d'adolescente.

3~ Lorsqu'elles sont allées à l'université, j'ai eu soif de renouveau et d'aventure. Et j'ai choisi de tenter ma chance en France. Ma mère avait de la famille dans ce pays. Alors, ce fut le plus grand virage de ma vie et celui qui me ramènera à Londres. J'ai dû faire deux ans de formation avant de devenir bibliothécaire. Je travaillais d'un Lycée, j'avais ma routine, mes amis, mes BFF au telephone tous les jours. Je m'étais jamais senti aussi épanouie.

4~ Avril 2014. Je passais mon temps à la bibliothèque, pour améliorer le système d'indexage des auteurs. J'ai lâché un juron quand un livre m'est tombé sur le pied, pas le petit roman que tu n'assumes pas de lire, non le grimoire qu'on sort pour les journées de culture gratuite.. « Dans une si jolie bouche, quelle dommage » Blackout du cerveau. J'aurais dû l'envoyer bouler mais non, j'ai ris doucement. Ahem, j'ai gloussé en vérité. Et la suite, on la connait. Le rêve à l'état pur. On était fait pour être ensemble. On se comprenait, on se soutenait. Il était mon double. Je me sentais chanceuse. Son accent me met dans tous mes états.

5~ Mars 2016. Je réfléchis encore à ce que j'ai pu lui dire pour qu'il se mette en rogne. Je me remets du fond de teint pour masquer le bleu. Les coups sont partis sans que j'ai pu le prévoir. Pourtant, je mesure chacun de mes mots. J'acquiesce tous ses propos. Une histoire de repas à l'improviste. La tête me tourne, mes tympans bourdonnent. Je remets une couche, je ne veux pas que l'on doute de mon couple, de ce qui se trame. On nous considère comme un modèle dans la communauté, je me raccroche à ça.

6~ Février 2018. Je lui ai dis que je ne voulais pas. Il ne m'a pas écouté. Il a continué. On en est loin du « pas avant le mariage... Ca n’en sera que plus beau ». Je n'ai même pas essayé de me débattre. A quoi bon ? Je n'ai plus que lui. Il éloigne tout le monde de ma Vie. Je ne sors même plus. Je suis isolée. Je suis une ombre. Je ne sais même pas comment je fais pour continuer de respirer le même air que lui. J'ai voulu le quitter mais le coup du suicide m'a retenu. Je ne cesse de mentir à tous.

7~ Juin 2019. « C’est fini. » Mon cœur a raté un battement. Je l’ai regardé, tenté de discerner une once d’humour dans ses propos, comme il a l’habitude de le faire. Mais non, son visage est fermé. Je déglutis difficilement. Ma respiration devient irrégulière. Je mordille ma lèvre supérieure, quand je suis proie aux doutes. Je refuse cette blague, de but en blanc. « J’en aime une autre » Balle dans le cœur. Je ne l’avais pas vu venir celle-là. Je me mets à espérer qu’il rigole. Cinq minutes demeurant l’éternité mais non, il ne dément pas. Oh merde, il est sérieux. Vraiment. Sérieux. Je me mets à rire nerveusement. Je ressemble  à une folle. Torrent de larmes s’en suit. Je lui hurle dessus. Je demande des justifications qui ne valent pas la peine à mes yeux. Il se lève, fuit ma présence. Je le baffe, le vase horrible de sa mère trépasse par la même occasion. « Elle, elle me comprend ». Deuxième balle. Il quitte le domicile.

8~ Echouée au sol, je questionne le silence, perles salées qui ravagent mon visage. Je remonte nos derniers mois, cherchant la faille. Et là, l’évidence me frappe. Il souriait plus que de raison, à chaque vibration de son téléphone. Comment ai-je pu me croire protégée ? Je lève les yeux au ciel. L’ai-je vraiment mérité ? Cinq années à tout lui donner, à réfléchir pour deux, à m’oublier, à m’investir. Des années où j’élimine chaque proche qui n’ont pas grace à ses yeux. Je l’adule, je l’adore. Il est ma religion. Mais visiblement, ce n’était pas suffisant. Je mangais Lui, je rêvé Lui, je pensais Lui. Il était mon monde. Je suis vide. De qui vais-je m’occuper maintenant ?

9~ « Mais tu as retrouvé ta liberté, ma fille. » Il était MA liberté, celui pour qui je me levais chaque jour. Mon moteur, mon ancre. Je ne sais pas faire sans lui. Je marche comment maintenant ? Je suis cassée. Tout réapprendre. Non, je vais crever seule. Trois semaines où nous sommes passés de fiancés à me torturer l’esprit sur du camaieu de jaune cradasse et des froufrous sur ma robe infâme. Comment ça, je ne suis pas objective ? Non, vraiment, trois semaines plus tard, je suis une inconnue, celui qu’il l’a étouffé. Ingratitude, dites-vous ? J’ai l’impression qu’un essaim de pigeons vient de me chier dessus. Le Karma, m’a pas oublié. Je suis entrain de payer le bisou refusé en maternelle ou quoi ? Fucking vie.

10~L’avantage d’une rupture, c’est que j’ai perdu dix kilos. Tu sais l'objectif que je m’étais donné comme objectif pour rentrer dans ma robe de mariée. Et la seule chose que j’avais perdu, c’était 500$ et toujours d’horribles bourlets. Pourquoi personne ne m’a parlé de cette astuce magique !?! J’ai fini par plus me nourrir, à quoi bon se forcer quand on ne cuisine que pour soi-même. Ma mère a tenté de me secouer, plus d’une fois mais elle a fini par laisser dans ce mal qui me bouffe les boyaux. J’ai tellement mal. Je voudrais dormir. Pour toujours.

11~ Juillet 2019. L’arme s’est enrayée. J’ai pleuré encore plus fort qu’à la rupture. Je me suis retrouvée sur un pont mais peureuse que je suis, je n’ai pas pu sauter. J’ai hurlé ma lâcheté. J’en ai profité pour balancer l’arme dans l’eau. Traitresse. Je suis dans le bus pour Londres. Personne ne me connait et je vais me fondre dans la masse. Je ne sais pas à quoi m’attendre. Peut-être dépenser mon épargne dans les fameux taxi jaunes, bouffer des hot-dog jusqu’à que mon estomac hurle. Retrouver quelqu’un. Non. Jamais. Impossible. Etre le cobaye d’un homme durant cinq ans, je peux le supporter, enfin tout est relatif. L’être une seconde fois, je risque de commettre un crime.